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(...) Qu'entendez-vous par morale ?
- La sensibilité pour la faute, répondit Berg.
- La faute ! dit Köves, toujours aussi emporté. Qu'est-ce que la faute ?
- L'homme, dit Berg avec un petit sourire froid.
- L'homme ! répéta Köves en écho. Quelle est la faute de l'homme ?
- Celle d'être accusé, dit Berg.
- Mais accusé de quoi ? s'entêta Köves.
- D'être fautif.
- Mais en quoi consiste sa faute ? insista Köves.
- A être accusé", et bien qu'ainsi la boucle fut bouclée, Köves s'écria comme s'il était impossible d'en sortir :
"Mais à quoi ça sert ?!
- Quoi donc ? demanda Berg.
- D'accuser l'homme !" et sur les lèvres charnues de Berg se dessina à nouveau un sourire froid et exsangue :
"A lui faire comprendre qu'il est superflu, et une fois qu'il l'a compris, à faire en sorte que dans sa détresse, il aspire à la grâce.
- Je comprends", dit Köves avant de se taire un instant, bien qu'il ne fût à l'évidence nullement satisfait de sa réponse.
Puis soudain, il demanda :
"Existe-t-il un autre monde que celui où nous vivons ?
- Comment existerait-il ? répondit Berg d'un air presque vexé. Il n'a pas le droit d'exister, ajouta-t-il sévèrement, comme pour l'interdire.
- Pourquoi pas ? demanda Köves.
- Parce qu'il serait l'accomplissement de notre déréliction. Il rendrait superflue notre superfluité. (fr) |