so:text
|
Cette genèse historique, même si elle est exacte et possède le mérite de rendre l’évolution de Kandinsky plus ou moins analogue à celle des autres grands artistes de son temps et ainsi « compréhensible », n’en falsifie pas moins la signification véritable de la peinture abstraite au point d’en occulter définitivement l’intelligence. Ce n’est pas une crise de l’objectivité plus ou moins analogue sur le plan esthétique à ce qu’elle était dans le domaine des sciences et notamment de la physique de l’époque qui a conduit à repenser le problème de la représentation picturale. Pas plus qu’elle ne provient d’un remaniement de la figuration perceptive, l’abstraction kandinskienne n’est issue d’une soudaine défaillance de l’objet, de son incapacité à définir plus longtemps le contenu de l’œuvre. Cette abstraction, ce contenu, ce « contenu abstrait », c’est la vie invisible dans son inlassable venue en soi-même. C’est ce jaillissement intérieur continu de la vie, son essence éternellement vivante qui, en même temps qu’elle fournit à la peinture son contenu, impose à l’artiste son projet, celui de dire un tel contenu, d’exprimer cette profusion pathétique de l’Être. « Abstrait » ne désigne plus ici ce qui provient du monde au terme d’un procès de simplification ou de complication, au terme d’une histoire qui serait celle de la peinture moderne – mais Cela qui était avant lui et qui n’a pas besoin de lui pour être : la vie qui s’étreint dans la nuit de sa subjectivité radicale où il n’y a ni lumière ni monde. (fr) |