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Notre contestation ne portera pas sur l'intention spirituelle, fort respectable et souvent d'une admirable tenue de L'essence de la manifestation, mais sur l'étrange obstination à vouloir installer cette recherche (essentiellement fragile, secrète, sinon ésotérique) au centre d'un dispositif disciplinaire dont précisément tous les principes sont formulés en termes rationnels, unificateurs, occidentaux qu'on entend récuser. Alors que Heidegger réserve prudemment le terme de "pensée" pour une quête qui exige une mutation de la langue, Michel Henry procède à une sorte d'expropriation de la maison phénoménologique et de ses instruments méthodologiques. Il en vient même à proclamer que l'avenir appartient à la "phénoménologie" ainsi réorientée. Mais quel avenir et pour qui, si la fusion (sinon la confusion) entre l'approche affective de l'absolu et la constitution d'un corpus méthodologique unifié est imposée comme allant de soi, au sein d'une talentueuse -- mais dogmatique -- autoréférence ? Comment à la fois conduire vers le non-savoir de la Nuit mystique et utiliser pour cela les instruments conceptuels ou terminologiques de la bonne vieille philosophie académique ? C'est cette incompatibilité qui fait difficulté et qui nous obligera -- une fois traversée l'inévitable phase de la critique -- à proposer ou à reconnaître d'autres voies pour la phénoménologie. (fr) |