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De la fenêtre étroite de ma chambre on embrasse la ville entière d'un seul coup d'œil. Prenant appui sur les toits pâles qui, dans leur alignement irrégulier, témoignent du travail opiniâtre des générations d'autrefois, le regard, comme porté par la perfection des formes légères des multiples édifices et suivant la loi inflexible de leur enchaînement rigoureux, glisse de l'une à l'autre, sans pouvoir se fixer nulle part ; après s'être abandonné à la courbe voluptueuse des lourdes coupoles dont Aliahova est si friande et si riche, escaladant les larges terrasses sur lesquelles des architectes de génie ont disposé, comme en des strates superposées selon le jeu savant d'un étagement progressif, l'âme de cette ville, remontant les escaliers sinueux qui les relient, venant s'attarder sur les façades altières dont les entablement répètent à vingt, à trente, à cinquante pieds du sol l'ordre et la disposition des venelles, des places et des rues, se heurtant enfin à la masse grandiose du Dôme et à sa coupole plus puissante que les autres (et cela bien qu'elle leur fût passablement antérieure) et plus belle, happé par la ligne vertigineuse du campanile que Tharros osa jeter comme un cri sur l'horizon de pierre, le regard, oui, le regard des habitants d'Aliahova, mais aussi celui de tout étranger qui, comme moi, fut un jour envoûté par cette ville, s'arrache à la terre, se prend dans le mouvement sans fin des structures monumentales et comme épuré et fasciné par elles, projeté vers le ciel, se perd en lui, dans le bleu sans partage de la nuit. (fr) |