so:text
|
Quand les victimes deviennent les complices des bourreaux, c'est un temps dangereux qui s'annonce. Parce qu'alors ce sont les bourreaux qui ont raison. Leur crime est accepté et, par conséquent, justifié, les victimes n'ont que ce qu'elles méritent. Par leur silence, elles font l'aveu que tout est bien ainsi. Ce que veulent les assassins, les vrais assassins, les grands assassins, les procureurs des procès de Moscou ou les pourvoyeurs des camps, ce n'est pas seulement tuer, c'est que leurs crimes apparaissent légitimes et soient reconnus comme tels. Et ils ne peuvent l'être en fin de compte que par les victimes elles-mêmes. Qu'elles soient mauvaises et ignominieuses, marquées de quelque tare indélébile, d'abord, en sorte que leur élimination soit un bien, une sorte d'épuration. Et puis qu'elles reconnaissent elles-mêmes ce mal qui est en elles et qui légitime leur élimination, qu'elles reconnaissent la légitimité de tout le procès de leur destruction et de leur anéantissement ! Le meurtre dont elles sont en apparence victimes n'est pas différent alors de leur propre suicide. Avec l'affaire Jean Dutheuil, c'est exactement de cela qu'il s'agit.François Nalié lève sur moi un regard sans expression. Et puis il passe la main sur le visage, semble reprendre conscience, de lui-même, de ma présence, de l'endroit où nous nous tenons.-- Ainsi vous allez reprendre l'enquête ? Vous allez vous faire tuer !-- Je la poursuis secrètement.-- Cela ne servira à rien si, au bout du compte, vous ne pouvez dire la vérité que vous aurez découverte.-- Il suffira que celle-ci soit consignée quelque part.Quand nous nous quittons sur le trottoir, il m'adresse un signe. Il semble hésiter un moment, revient vers moi et me serre dans ses bras. (fr) |