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Et après tout, que je me sois donné beaucoup de mal, que ces démarches d'investigations multiples m'aient pris beaucoup de temps, réclamé beaucoup de zèle et d'intelligence, c'est ce qu'on peut très bien leur expliquer, aux assassins. C'est même très précisément ce qu'il convient de faire. Plus serrée et minutieuse leur apparaîtra notre enquête, plus significatif son échec. On leur laissera entendre non seulement qu'on n'a pas pu découvrir la vérité, mais qu'il est impossible d'y parvenir. C'est alors qu'ils seront pleinement rassurés. Il faut dire à chacun ce qu'il a envie d'entendre, aux criminels comme aux autres. Et ce que ces criminels ont envie d'entendre, ceux-là en tout cas, c'est que leur crime échappe à toute recherche, qu'il est insaisissable, indémontrable -- inexistant peut-être ! De la sorte, il demeurera à jamais impuni. En même temps que leur crime, les assassins se seront dissous dans la nuit.
Je réfléchis à la manière d'accréditer cette version. En montrant par exemple qu'on n'a pas découvert une piste, mais de multiples directions de recherche, partant dans tous les sens et aboutissant chaque fois non pas à un individu déterminé mais à des groupes, à de grandes entreprises, à des administrations et des institutions, et finalement au pouvoir lui-même. Chacune de ces pistes d'ailleurs venant buter sur une porte qui ne s'ouvrirait jamais, sur un mur, sur des documents évanouis, des juges dessaisis de l'enquête, des personnes non concernées par l'enquête. Bref, au bout du chemin, il n'y avait personne. Et si par hasard il y avait quelqu'un, c'était l'amnésie, le silence. Quelle jubilation chez les auditeurs de ce compte-rendu qui les met hors d'atteinte, d'autant plus réconfortant pour eux que, somme toute, il est exact ! (fr) |