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Peut-être que quelque chose des promesses de l'enfance était gangrené par une sorte de croûte infecte, une croûte romantique et toxique associant les muses à la mort ? Quelque chose dans le programme trop raffiné du lycée Tarbout ? A moins qu'il n'y eût une note bourgeoise-slave, une note mélancolique que, quelques années après la mort de ma mère, j'ai retrouvée entre les pages de Tchékov et de Tourgueniev, dans les récits de Gnessin et, dans une moindre mesure, dans les poèmes de Rachel également. Quelque chose qui avait incité ma mère, la vie n'ayant tenu aucune des promesses de sa jeunesse, à se représenter la mort sous les traits d'un amant passionné, protecteur et rassurant, un dernier amant, un amant musagète qui guérirait enfin les blessures de son cœur esseulé ?Voilà des années que je traque ce meurtrier, ce vieux séducteur madré, ce mécréant dégoûtant, déformé par la vieillesse, déguisé en prince charmant. C'est un rusé chasseur de cœurs brisés, un séducteur vampirique à la voix douce-amère, telle la corde voilée d'un violoncelle, les nuits solitaires : un escroc onctueux, génial, un maître en artifices, le joueur de flûte de Hamelin attirant derrière son manteau de soie les désespérés et les isolés. Le tueur en série des âmes déçues. (fr) |